
Aigues-Mortes
Élevée à l’emplacement de l’ancienne tour Matafère par Saint Louis, la Tour de Constance est construite en 1242 pour protéger le port et la cité. Elle est l’unique élément défensif d’Aigues-Mortes. Un pont dormant relie le châtelet à la tour qui est ceinte à l’origine d’un fossé annulaire. En 1249, on parle de la Tour du Roi. En 1254 au retour de la septième croisade, elle est terminée.
1717 La Tour de Constance est affectée à la détention des femmes Protestantes. Les premières
sont arrêtées dans une assemblée à Molières, prés d’Anduze.
On enferma là
les femmes, dont la plupart, s'étaient rendues coupables d'avoir assisté aux "Assemblées du Désert". On les gardait comme des"otages"pour effrayer les autres, dans cette prison
malsaine, obscure et glacée, entre des murs de six mètres d'épaisseur. On lit encore sur la pierre la devise qu'elles avaient gravée:
"RESISTER".
Marie DURAND est la plus connue de ces prisonnières. C'était la soeur du pasteurPierre DURANDqui mourut
martyr.
Entrée à Aigues-Mortes à 15 ans 1/2, en 1730, elle resta trente-huit ans dans la tour. Deux autres femmes y vécurent quarante et quarante et un
ans.
Son vieux père,
emprisonné, lui aussi pour sa foi, au fort de Brescou, lui écrivit la belle lettre que voici
:
Fort deBrescou (Cap d'Agde)
" Ma fille, l'auteur de la nature a permis que depuis toujours j'ai été dans des
épreuves, dans des souffrances et des persécutions de toutes parts et je vois qu'elles augmentent de degré en degré, mais remerciant Dieu, je me suis toujours consolé et mets ma confiance en Lui,
malgré tous mes malheurs jamais rien ne m'a manqué pour mon entretien et celui de ma famille. Ainsi, mon enfant, je vous écris quelques mots pour vous prier de ne vous chagriner en rien
mais que vous vous réjouissiez, au contraire, dans le Seigneur par des prières, des psaumes et des cantiques à toute heure et à tous moments et par ce moyen le Seigneur vous donnera la force et
le courage de supporter toutes les afflictions qui peuvent vous arriver et dire comme David: " Tant plus le mal il me vient tant plus de Dieu je me souviens ".
Il ne faut pas vous attrister de votre état car vous voyez que votre frère a tout quitté pour travailler à l'oeuvre du Seigneur et qu'il ne peut
point paraître en public et pourtant, je crois qu'il ne perd point courage, faites-en de même..."
Isabeau MENET était aussi l'une de ces figures très fortes.
Elle se maria avec Pierre FIALES et en 1735, le jeune couple assistait à une de ces
assemblées proscrites.... Isabeau, qui vient de mettre au monde son premier enfant, sera arrêtée avec son mari et l'enfant. Ils sont conduits à Pont-Saint-Esprit ; là c'est la
séparation ; le mari est condamné aux galères où il mourra et Isabeau à la Tour . A la Tour de Constance , elle rentre en 1737 et elle est aussitôt liée d'amitié avec Marie
DURAND. L'enfant va grandir dans le donjon ; il grandira avec une fille qui y restera jusqu'à seize ans. Le garçon et la fille ont grandi et joué dans ce donjon.
Les prisonnières étaient réduites au pain et à la paille. Dès 1730 la misère était grande à la Tour. Les familles leur venaient parfois en aide et Isabeau montre que sa famille ne la laissait pas
de côté. Son fils né en 1737, étant trop âgé pour qu'elle puisse désormais le garder auprès d'elle, Isabeau aura la dure épreuve de s'en séparer pour le confier à sa soeur. De plus, elle
aura la douleur d'apprendre la triste nouvelle que son mari est mort à la chaîne. L'intendant des galères écrira à la famille et renverra la montre du
galérien " pour que son fils la porte en pensant que son père est mort sur les galères en rendant honneur au nom qu'il
portait" .
La malheureuse femme deviendra folle dans la Tour et sera rendue à sa famille en 1749, après onze ans d'une si terrible réclusion.
Voici quelques extraits de lettres qu'Isabeau MENET écrivit à sa soeur réfugiée à Genève:
"... Je m'estime bienheureuse que le Seigneur m'ait appelée à souffrir opprobre pour son nom , puisque telle est sa
volonté. Dieu me fasse la grâce d'aller jusqu'au bout de la lice car je sais que Jésus-Christ nous y attend les bras ouverts.
" Qu'importe que nous soyons les haïs du monde, pourvu que nous soyons de son bon grain, son froment, car Il est notre origine et nous sommes le souffle de sa bouche. Allons à Lui
puisqu'il nous a promis qu'il nous aiderait en ce temps opportun. Soyons lui fidèles jusqu'à la mort, afin que nous puissions acquérir cette couronne d'immortalité bienheureuse.....
".... Toutes les menaces du monde ne seront pas capables de me faire abandonner le dépôt de la foi. J'espère que notre bon Père de miséricorde ne me déniera pas le secours
nécessaire, pour supporter les épreuves qu'il lui plaira de m'imposer...."
Et cet extrait de la belle lettre par laquelle elle confiera son enfant à sa soeur
:
"Je vous prie, ma chère soeur, au nom de Dieu, de vous souvenir de moi dans vos saintes prières, de même que mon cher enfant, lequel je vous donne,
que vous le regardiez comme votre cher enfant, pour le recommander à mes cher père et mère, qu'ils aient soin de son salut, afin de lui faire reconnaître que son cher père est
mort pour la profession de l'Evangile. Je me fie que vous en aurez le soin de le tirer devers vous comme vous m'avez promis ; car je peux dire après Dieu qu'il m'était d'une grande
consolation à mon entour, quoique jeune. J'espère que Dieu y pourvoira pour lui et moi, car il faut attendre tout d'en haut, puisque les hommes ne peuvent rien sans la divine Providence. Le
Seigneur soit apaisé envers nous et envers sa chère Eglise!.....".