La question va bien au-delà de ce titre. Jésus est-il venu pour faire des prosélytes ? De ceux et de celles qui vont adhérer ponctuellement à ses idées, puis ensuite retourner à leur vie passée ?
Il est bien évident qu’avec le temps, en laissant certaines techniques dites «d’évangélisation» s’installer chez nous et directement inspirées des méthodes de marketing ou plus prosaïquement des vendeurs de cuisines ou de canapés, nous avons fabriqué une génération de prosélytes ! Mais la réponse évangélique à cette question est des plus claires : Jésus condamne le prosélytisme et il ne le favorise absolument pas (Matthieu 23.15). Sa condamnation vaut aussi pour tous ceux qui se réclament de lui.
Alors Jésus serait-il venu faire des chrétiens ? Adeptes d’une nouvelle religion, la religion chrétienne ? Ce serait limiter dangereusement le rôle de Jésus dans l’humanité. J’ai lu il y a plusieurs années un excellent livre intitulé : «Jésus, l’inventeur du christianisme», dans lequel l’auteur mettait en évidence, que celui qui a donné son nom à cette religion n’est absolument pas venu pour accomplir cet objectif. Non, Jésus n’est pas venu faire des chrétiens. On sait aujourd’hui que le mot «chrétien» est galvaudé, qu’il ne signifie plus grand chose et qu’il n’est pas le reflet de ce que Jésus voulait.
L’origine du mot «chrétien» remonte à une insulte à caractère homophobe – dirions nous aujourd’hui – lancée par les détracteurs de l’Evangile et de l’église naissante dans la ville d’Antioche en Syrie, au premier siècle de notre ère (Actes 11.26).
L’étymologie du mot est intéressante : en français, le mot ‘chrétien’ est directement issu du latin christianus qui vient lui-même du grec christianos. Un mot à son tour dérivé de christos, ‘Christ’. D’un point de vue politique ou religieux, ce terme christos renvoie à l’onction que reçoit un personnage important comme symbole de l’autorité qui lui est conférée. Dans ce sens, le mot christos est la traduction grecque de l’hébreu MaShiaH qui a donné le mot “messie” et signifiant "celui qui est oint" ou "qui a reçu une onction".
Bref, ces détracteurs cités plus haut se moquaient de ces gens qui aimaient «l’onction», le «parfum» qui allait avec et voyaient en eux des efféminés de la pire espèce. Même si je n’y peux rien, je suis chrétien par définition, mais je ne me retrouve absolument pas dans cette classification et ce, au regard des paroles de Jésus.
Lorsque je relis Matthieu 28.19, je découvre que la vocation adressée à l’Eglise c’est de faire des disciples. Et il n’est pas question pour moi de jouer sur les mots, mais puisque nous avons des mots, autant comprendre ce qu’ils veulent dire. A terme, nous fabriquons des chrétiens dans les Eglises, c’est à dire des gens qui ont une obédience dite chrétienne avec une particularité ou une autre (catholique, protestant, pentecôtiste, évangélique, baptiste, apostolique etc.). Mais où sont les disciples ?
Un disciple, comme son nom l’indique – en principe et cela devrait être une évidence pour tous – c’est quelqu’un qui a une discipline de vie avec Jésus. lorsque que l’on parle de disciple de Christ. Lorsque Wesley vient avec son message Méthodiste, il vient avec des «méthodes de piété quotidienne, très pratiques». Il apporte donc une méthode de discipline aux gens. S’il est un domaine où la discipline manque cruellement aujourd’hui, c’est bien dans la piété personnelle et collective. Alors, on bascule de la vie de disciple à celle de chrétien.
Lorsque Paul veut comparer la vie de disciple et qu’il l’expose à Timothée, il va l’imager avec trois métiers : le laboureur ou l’agriculteur plus généralement, le militaire de carrière et le sportif de haut niveau. Ces trois métiers ont un point commun : leur discipline personnelle ! (2 Timothée 2.3 à 6).
Le disciple n’a pas besoin d’un garde chiourme en forme de pasteur derrière lui, pour lui rappeler sans cesse qu’il a besoin d’une communion avec son Sauveur et son Seigneur. Il applique cette discipline à sa vie au quotidien, sans déroger à cette règle là. Il est parfois si étonnant et si décevant de voir la légèreté de certains disciples – qui de fait n’en sont déjà plus qu’une moitié ou un quart – avec le sérieux qu’impose la vie avec Jésus. Un jour je prie, l’autre pas, un jour j’ai du temps pour être avec Dieu, et puis pendant trois jours, je ne manifeste aucune vie de piété ! Où est alors le disciple là-dedans ? C’est là qu’elle doit se concrétiser.
D’ailleurs et pour terminer, tout se résume à cela. Un disciple qui va avec Jésus, ne fera jamais de prosélytisme aggravé, qu’on appelle témoignage chez nous, mais qui n’est pas le témoignage évangélique. Il fera envie aux autres par ce que dégage sa vie, et cela n’est rien d’autre que la concrétisation de sa vie de disciple, de sa relation avec Jésus. C’est le témoignage naturel.
J’aime ce texte d’Actes 4.13 « On les reconnut pour avoir été avec Jésus ! »
Et nous autres, comme qui nous reconnaît-on ? : des prosélytes, des «chrétiens» fades et comme les autres, ou comme des gens qui dégagent la bonne odeur de Christ et ce, pour avoir passé du temps avec lui ?
Samuel Foucart