Le phénomène n’est ni nouveau, ni récent. Disons qu’il a pris une ampleur qui désormais est plus que voyante.
Ce qui suit, particulièrement en matière de chiffres, n’est le résultat d’aucune statistique officielle, puisqu’à ma connaissance il n’en existe aucune de sérieuse à ce sujet. Il s’agit donc de constats locaux, effectués un peu partout en France.
Le nombre de gens issus de la grande famille Protestante, évangélico-pentecôtiste, baptiste, apostolique et consorts, en dehors de tout «système» d’Église est juste impressionnant.
Localement, j’ai habité une ville où ces Églises sont enracinées depuis des décennies. Le triste exploit de certaines d’entre elles, est d’avoir plus de « gens dehors » que dedans !
S’il faut parler chiffre, sur le territoire national, les estimations sérieuses mais « optimistes » évoquent entre 50 et 70 000 personnes sans Église fixe. S’il faut écouter les chiffres « pessimistes » c’est plus de 100 000 âmes qui seraient à la rue. Mais encore une fois, les chiffres sont toujours sujets à caution et à débat et je n’ai pas du tout envie de débattre là-dessus avec personne. Cette triste réalité existe bel et bien et elle devient du coup, un véritable défi pour l’Église d’aujourd’hui.
Comment « regagner » ces croyants ?
Peut-être qu’avant de vouloir les regagner, faudrait-il « humblement » se demander pourquoi nous les avons perdus ? En l’occurrence, ces personnes n’ont pas besoin – a priori du moins – d’être « réconciliées » avec Dieu, mais d’être réconciliées avec l’Église locale. C’est donc une tout autre approche du travail qu’il faut envisager.
Les raisons sont nombreuses, diverses et très variées. Une fois mis de côté les chrétiens malades dans leur âme et incapables d’aucune stabilité, ce que j’appelle les « croyants satellitaires », c’est à dire ceux et celles qui ne voient que des défauts dans l’Église où ils se rendent et qui par conséquent vont faire le tour de toutes les Églises de la ville, sans jamais en trouver une à leur mesure, il faudra bien évoquer les autres cas. Ces « satellitaires » ont toujours existé et ils ne constituent plus du tout la masse principale expliquant cet exil spirituel.
Au premier rang des raisons sérieuses évoquées par ce nouveau « peuple du désert », il y a la fatigue que représentent les programmes d’Églises. Si Jésus a dit : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos " » l’Église locale va souvent, après avoir amené les gens au repos que Jésus préconise, les épuiser à coup de programmes démesurés voire insensés. L’Église locale devrait être un havre de paix, certes l’endroit où l’on sert Dieu, mais surtout pas celui où l’on épuise les gens à coup d’activisme, souvent inutile.
Une autre raison évoquée très souvent, c’est la « gouroutisation » de certains leaders d’Église. Là, le phénomène est impressionnant mais totalement tabou ! Heureusement, une très grande majorité des pasteurs n’est pas ainsi, mais cela existe pourtant. Refuser de le croire, le nier comme c’est souvent le cas, ne fait qu’accentuer l’hémorragie interne dont souffre le « corps de Christ » en France, particulièrement. Nous avons en face de nous désormais, au 21° siècle, des hommes et des femmes à qui il n’est plus question de faire avaler des couleuvres. Parce qu’ils ont étudié, qu’ils réfléchissent par eux-mêmes – ce qui est très bien – et parce que la société favorise cet aspect de la liberté individuelle, qui ne peut souffrir d’aucune restriction.
Le phénomène sectaire qui s’ensuit, n’est que la conséquence et fournit bon nombre des troupes des « dissidents » d’Églises locales. Là encore, black out total sur la question, circulez il n’y a rien à voir. Dommage que les mouvements respectifs que nous représentons n’aient pas le « courage » ou la volonté d’entamer une vraie réflexion sur le sujet. Certaines méthodes, certains discours sont tout de même plus proches des pratiques des Témoins de Jehova – surtout en ce qui concerne la manipulation mentale – que de l’Évangile de Jésus-Christ, et ça, c’est inacceptable !
Indéniablement, la culture de l’obscurantisme religieux n’est pas anodine dans cette hémophilie spirituelle atteignant l’Église. Aucune réforme, aucune remise en question, aucune réflexion, ne sont jamais à l’ordre du jour et ce, aussi bien sur des sujets de société, que sur le fonctionnement des associations régissant les Églises locales. Par exemple, l’adaptation normale des horaires à la réalité du tissu social, mais aussi l’organisation des cultes, avec des horaires fixes et réguliers, ce qui, chez les pentecôtistes en particulier, est un vrai problème. Pas d’heure, pas de règle, tu sais quand tu arrives, jamais quand tu vas pouvoir repartir, c’est assommant et ça n’a rien de spirituel.
Certains scandales étouffés, cachés, n’ont pas arrangé les affaires d’Églises locales, mais pourquoi s’étendre sur ce sujet, tout le monde sait que c’est une réalité.
Ce qui explique parfois le succès de pasteurs dits « indépendants » qui viennent ouvrir une assemblée locale dans une ville ou une région où il en existe déjà plusieurs. Et eux s’occupent des gens, les aiment, les soignent, savent les écouter sans les juger, ni les condamner. Ce ne sont pas des « escrocs » de l’évangile, mais juste des pasteurs au premier sens du mot. La preuve c’est que la plupart du temps, ils ne cherchent même pas à exploiter tel ou tel scandale, mais travaillent à guérir les personnes.
Non, désolé, mais tous ceux qui quittent les Églises locales ne sont pas des « tordus », des pécheurs, des rebelles ou des gens malades. Nous avons perdu – tous mouvements confondus – des gens de grande valeur spirituelle et morale, par nos comportements condamnables, nos abus, notre esprit religieux et notre dureté. C’est une réalité qui peut déplaire, mais qui existe, pourtant.
Et si le temps de la repentance était venu pour nous ?
Non, tous ceux qui ont quitté leur Église locale ne sont pas voués aux flammes de l’enfer, désolé de contredire ceux et celles qui pensent et disent cela. Certes, ils n’ont pas eu raison, mais ont-ils eu le choix ?
L’Église locale, c’est le plan de Dieu, c’est Dieu qui l’a voulue dès le départ. Elle est censée être une bonne chose et elle devrait rester une bonne chose. Aller au culte le dimanche – matin, midi ou après-midi – devrait être le moment le plus important de la semaine, le jour de la fête par excellence. Ce n’est pas toujours le cas et c’est bien triste. D’où ce phénomène consistant à rester chez soi, avec sa Bible, son temps de prière personnelle et éventuellement un culte diffusé sur Internet. Quelle tristesse pour le pasteur que je suis ! Mais quelle réalité cruelle qui nous renvoie à nos carences et à nos actes manqués !
Le temps de réformer nos voies est donc venu, aussi bien d’un côté que de l’autre. Le temps des remises en question est là, et il est urgent de vivre une période de guérison chez les uns et chez les autres.
Samuel Foucart