Comme chaque année, les étudiants en biologie de l'université chrétienne Liberty, à Lynchburg en Virginie (est), font une sortie scolaire au Muséum
d'Histoire Naturelle de Washington pour y confronter leurs croyances à la théorie darwinienne «dominante», disent-ils, de l'évolution.
Devant un modèle du petit rat «Morganucodon», le premier ancêtre commun des mammifères qui serait apparu il y a 210 millions d'années, Lauren Dunn, 19 ans,
en deuxième année de biologie, n'est guère impressionnée: «210 millions d'années, c'est arbitraire. Ils donnent une date parce qu'ils n'en savent rien».
«Il n'y a pas de possibilité biologico-génétique que ça, ce rat, ait pu devenir ce que vous êtes», assure scandalisé Nathan Hubbard, 20 ans, un étudiant du
Michigan (nord) en première année de biologie qui veut devenir médecin.
A Liberty, la plus importante université évangélique du pays avec 12 000 inscrits, les étudiants en biologie suivent un programme où ils mesurent la théorie
de «l'Origine des Espèces» de Charles Darwin (1859) aux révélations du Livre de la Genèse.
«Afin d'être le meilleur créationniste possible, vous devez d'abord être le meilleur évolutionniste possible», professe Marcus Ross, qui enseigne la
paléontologie et affirme qu'«Adam et Eve étaient de vraies personnes et étaient les premiers humains».
Dans un pays où 80% de la population croit en Dieu, entre 44 et 46%, selon des sondages datant de deux ans, croient que la terre a été créée en six jours
dans son état actuel il y a entre 6000 et 10 000 ans.
Né chez des chrétiens au XIXe siècle, le créationnisme rejette l'idée de Darwin selon laquelle tous les êtres vivants sont le produit d'une longue série de
transformations biologiques motivées par la sélection naturelle.
Relayé par les Témoins de Jéhovah mais aussi par des fondamentalistes islamistes, le mouvement trouve écho dans la droite religieuse américaine.
L'ex-président Georges W. Bush a estimé il y a un an que la réalité de l'évolution ne suffisait pas à expliquer la Création.
La doctrine intervient dans des champs comme la biologie, la paléontologie, la cosmologie mais aussi le changement de climat ou les droits à
l'enseignement.
Au musée du Smithsonian Institute, au milieu de la foule des touristes du week-end, le petit groupe fait sa visite dans la Galerie de l'Evolution.
L'explication darwinienne de la longueur du cou des girafes ou encore la datation des fossiles ne trouvent pas grâce à leurs yeux.
«Le créationnisme et l'évolutionnisme sont deux façons différentes d'expliquer les preuves. Le créationnisme prend en compte les données de la Bible»,
affirme Marcus Ross, qui enseigne à ses élèves que les dinosaures ont disparu il y a 4000 à 5000 ans durant le Déluge de Noé. Les mesures de datation au Carbone 14 ou à la radioactivité
ne sont pas fiables, selon lui.
Il ne rejette pas l'idée qu'un astéroïde ait pu donné le coup de grâce à l'espèce car «elle a dû coïncider avec la fin de la période de l'Arche de
Noé».
Ce professeur admet que si les Etats-Unis sont le pays le plus «bienveillant» vis-à-vis des idées créationnistes, il n'est pas facile de s'affirmer en tant
que scientifique de cette obédience car les gens «pensent toujours que nous sommes ignorants des faits».