Source : Samuel Bastide, "Pages d'histoire protestante" (Extraits)
Les Vaudois
Pierre Valdo
Souvent confondus avec les Albigeois, les Vaudois devaient leur nom à Pierre Valdo, riche Lyonnais qui avait fait traduire en Français la Bible latine par deux prêtres en 1200. Avec ses disciples, les pauvres de Lyon, dans le désir de le faire connaître, ils se présentaient comme colporteurs et ne manquaient jamais de lire le Saint Livre à leurs hôtes. La complainte que chantaient nos mères dépeint la scène.
"Le Colporteur Vaudois"
Oh regardez ma belle dame ces chaînes d'or, ces bijoux précieux! Les voyez-vous ces perles dont la flamme effacerait un éclair de vos yeux ? Voyez encor ces vêtements de soie qui pourraient plaire à plus d'un souverain.Quand près de vous un heureux sort m'envoie achetez donc au pauvre pélerin.La noble dame à l'âge où l'on est vaine prit les bijoux, les quitta, les reprit, les enlaça dans ses cheveux d'ébène, se trouva belle et puis elle sourit : Que te faut-il vieillard ? Des mains d'un page dans un instant tu vas le recevoir, et pense à moi si ton pélerinage te reconduit auprès de ce manoir.
Mais l'étranger d'une voix plus austère lui dit, ma fille il me reste un trésor plus précieux que les biens de la terre, plus éclatant que les perles et l'or. On voit pâlir aux clartés dont il brille les diamants dont les rois sont épris. Quels jours heureux luiraient pour vous ma fille si vous aviez la perle de grand prix !
Montre-la moi, vieillard, je t'en conjure, ne puis-je pas te l'acheter aussi ? Et l'étranger sous son manteau de bure, chercha longtemps un vieux livre noirci. Ce bien, dit-il vaut plus qu'une couronne. Nous l'appelons la Parole de Dieu. Je ne vends pas ce trésor, je le donne, il est à vous. Le ciel vous aide, Adieu ! Il s'éloigna, bientôt la noble dame lut et relut le livre du Vaudois. La vérité pénétra dans son âme et du Sauveur elle comprit la voix. Puis, un matin loin des tours crénelées, loin des plaisirs que le monde chérit, on l'aperçut dans les hautes vallées où les Vaudois adoraient Jésus-Christ.
Sceau de l'Eglise des vallées vaudoises
Les Vaudois et leurs pasteurs appelés barbes furent reçus dans le midi partout où les Albigeois étaient passé. Mais le Pape Innocent III lança contre eux une nouvelle croisade. Le baron d'Oppède en fit un affreux massacre. Du 18 au 25 août 1545, 24 villages furent brûlés, 3000 personnes furent égorgées, 250 suppliciées, 660 condamnées aux galères. Les habitants de Cabrières et de Mérindol furent brûlés vifs dans leurs demeures. Apprès la révocation de 1685, le duc de Savoie ordonna de détruire les derniers Vaudois. Beaucoup s'expatrièrent. L'un d'eux, le capitaine Friquet, consul de Pragelas, arrêté et jeté à la tour de Crest en 1688, réussit à scier deux barreaux de sa cellule et à dévaler avec une incroyable jusqu'au bas des fossés. Il gagna la Suisse juste à temps pour participer à la glorieuse rentrée des Vaudois.
Venus de toutes les régions de refuge dans l'intention de reconquérir leur pays, ils s'étaient rassemblés à Prangins au bord du lac Léman entre Rolle et Nyon. Ayant loué à grand peine des chaloupes et des bateliers, ils implorèrent avant de s'embarquer le secours de Dieu. Au nombre de 972, ils partirent le 18 août 1689 en laissant sur la rive 200 des leurs qui ne purent pas trouver d'embarcations.
Embarcation des Vaudois à Prangins
On a élevé depuis sur cet emplacement, une pyramide en souvenir de leur audacieuse équipée. Divisés en 20 compagnies, ils débarquèrent non loin du château d'Yvoire. Ils franchirent 190 km à pied en 7 jours au milieu des neiges de Savoie et gravirent péniblement le Mont Cenis en dépit de nombreuses privations et sous le poids considérable de leurs effets et de leurs munitions.
Pasteur Henri Arnaud
Le Pasteur Henri Arnaud, ex officier de Guillaume d'Orange, avait pris la direction des troupes. Echappant, non sans pertes aux ennemis embusqués sur la route, ils arrivèrent à minuit au pont de Salabertrand, gardé par 2500 soldats. Deux compagnies Piémontaises leur coupaient la retraite. Il fallait vaincre ou périr. Ils forcèrent le pont sous une fusillade nourrie après avoir mis le genou à terre pour prier.
La bataille sur le pont de Salabertrand
La mélée fut terrible, mais les vaudois restèrent maîtres du pont. La victoire leur ouvrit les chemins de leurs villages. Leur inébranlable fidélité a finalement triomphé de toutes les embûches. Rien n'a pu arracher la foi de leurs coeurs et de leurs montagnes. L'église vaudoise y brille encore, selon la devise qu'elle s'est donnée : "Lux, Lucet in tenebris" " La lumière luit dans les ténèbres".
En France, les derniers Vaudois disparurent dans les autodafés et les supplices. Quelques- uns se réfugièrent dans les hautes vallées de Freyssinières et du Queyras ou rejoignirent les Vaudois du Piémont. Cependant le Dauphiné ne pouvait oublier la lumière de l'évangile. La proclamation de la Réforme y trouva une adhésion enthousiaste. Guerres ou persécutions acharnées pendant 3 siècles furent inutiles.
Les protestants voyaient dans la Bible leur seule règle de foi. Les oppresseurs s'appliquèrent à la faire disparaître. On risquait la mort pour la lire. Dans les châteaux on la cachait entre autres sous d'élégants tabourets de salon. Les paysans dauphinois la plaçaient souvent sous la chaise du bébé. Les dragons furieux de l'avoir cherchée en vain sortaient en grognant. L'enfant avait sauvé la famille.