Par Antoine Dhulster
1 000 milliards de dollars d’actifs bancaires et une croissance annuelle à deux chiffres. La finance islamique affiche une santé insolente et suscite l’intérêt.
En cette période de crise, faut-il s’en remettre à la charia pour prévenir les attaques spéculatives ? Au-delà de la formule – provocante – il y a une réalité : la finance islamique suscite l’engouement depuis des années.
Bien au-delà des pays musulmans. Au cœur même de l’Europe, les actifs financiers estampillés « halal » suscitent un intérêt croissant des investisseurs. Les médias ne sont pas en reste, qui
consacrent articles, dossiers, émissions de télévision (1) par dizaines à cette finance conforme à la loi du Coran.
Il est vrai qu’en temps de crise, ses préceptes paraissent séduisants : le prêt à intérêt (riba) y est prohibé, ce qui n’exclut pas le paiement de frais fixes, déterminés à l’avance.
L’investissement dans des activités illégales au regard de l’islam (vente d’alcool, de porc, pornographie, etc.) est également interdit. Chaque actif financier doit être associé à un bien
réel : contrairement à la finance classique, il est donc interdit de « faire de l’argent avec de l’argent ». Enfin, les risques de pertes et les profits doivent être justement partagés
entre la banque et le client.
Théorisé par de nombreux penseurs
Pour le chercheur Franck Fregosi, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’islam, « tous ces éléments donnent à la finance islamique une coloration éthique qui retient
l’attention de nombreux observateurs occidentaux, soucieux de moraliser l’économie mondiale depuis la crise financière ».
La finance islamique a pris son envol dans les années 1970 et 1980, dans les pays du Golfe. Mais des années auparavant, le principe même d’une « économie musulmane » avait été
théorisé par de nombreux penseurs. Abul Ala Mawdudi, théologien pakistanais, fut le plus important d’entre eux. Dès les années 1940, il esquisse les contours d’une économie conforme aux préceptes
de l’islam, troisième voie entre capitalisme et communisme.
En pratique, cette économie islamique est mise en œuvre dans des caisses d’épargne rurales, en Égypte et en Malaisie, dans les années 1960. Mais le choc pétrolier de 1973 marque un tournant.
Khaled Sor, économiste et spécialiste de la finance islamique, explique qu’à partir de cette époque « les pétrodollars vont permettre aux grands pays producteurs de pétrole du Golfe de dégager
les moyens financiers pour mettre en place les premières banques islamiques commerciales et internationales »(2). De fait, l’économie islamique s’oriente alors vers les préceptes du
libéralisme, aux antipodes des ambitions tiers-mondistes de ses débuts.
Favoriser l'investissement islamique
Concrètement, 20 à 25 % des actifs financiers des pays du Golfe sont aujourd’hui gérés selon les principes de la charia. Avec une croissance annuelle de 10 % environ, cette
niche de la finance globalisée affiche une santé insolente. Les actifs gérés sont estimés à quelque 1 000 milliards d’euros. De quoi aiguiser les appétits, bien au-delà du monde musulman. Le
premier établissement « halal » d’Europe – Islamic Bank of Britain – est lancé à Londres en 2004. Très rapidement la plupart des grands groupes internationaux inaugurent eux
aussi une « division islamique » : HSBC, Citigroup, UDS, Deutsche Bank… Dans notre pays, l'institut français de finance islamique est lancé en 2009, sous la direction du député
Hervé de Charette. Cette organisation, soutenue par l‘État, se donne pour objectif de favoriser l’investissement islamique, encore embryonnaire dans l’Hexagone. Non sans ironie, le chercheur
Franck Fregosi relève que « l’islam effraie notre classe politique qui interdit le voile intégral, mais ne semble pas dérangée par la finance islamique. Il est vrai que depuis la crise
financière, notre économie a des besoins conséquents de liquidités. »
L’économie et la finance pourrait-elle, à terme, venir au secours du dialogue des religions et des cultures ? La chose ne manquerait pas de piquant.
Dans notre pays, l'institut français de finance islamique est lancé en 2009, sous la direction du député Hervé de Charette. Cette organisation, soutenue par l‘État, se donne pour objectif de favoriser l’investissement islamique, encore embryonnaire dans l’Hexagone. Non sans ironie, le chercheur Franck Fregosi relève que « l’islam effraie notre classe politique qui interdit le voile intégral, mais ne semble pas dérangée par la finance islamique. Il est vrai que depuis la crise financière, notre économie a des besoins conséquents de liquidités. »
Source :Témoignage chrétien http://www.temoignagechretien.fr/