Des Saints et des Martyrs
Par l'Edit de Nantes de 1598, Henry IV avait accordé aux protestants de France la
liberté de
conscience et de culte. Mais, en 1685, Louis XIV révoqua cet édit qui, du reste, depuis fort longtemps déjà, avait été violé dans son esprit et dans sa lettre. D'inhumaines persécutions rendirent
tragique la situation des protestants de France. Tous les pasteurs furent exilés, tandis que les huguenots furent contraints de rester et d'abjurer. Les"opiniâtres"(comme on
les appelait) furent envoyés aux galères, les femmes en prison. Les enfants furent enlevés à leur parents pour être instruits dans des couvents. Les dragons s'établirent à demeure dans les
maisons, avec liberté de piller, de saccager, de vivre licencieusement, d'user des tortures les plus odieuses pour forcer les huguenots à abjurer. Beaucoup voulurent fuir tant de rigueur. Cinq ou
six cent mille y réussirent, tandis que des milliers d'autres moururent de privations en chemin, de froid, ou sous les balles. Beaucoup aussi furent arrêtés, parmi lesquels des nobles, des
magistrats, des officiers, qu'on envoya ramer sur les galères royales, enchaînés avec des assassins!
Le Réveil Des Cévennes
C'est alors que Dieu envoya un puissant Réveil dans les CEVENNES. Le
peuple persécuté, mais assoiffé de Dieu, se réunit dans les montagnes, sous la conduite des "prédicants"et
des prophètes que Dieu suscita par milliers.
"Je partis de Londres en Juin 1703, nous dit David Flottard, pour faire un
voyage dans les CEVENNES. J'y vis le chef ROLAND et plusieurs de sa troupe, dans l'inspiration. C'était par ces inspirations que toutes leurs
affaires se réglaient et se gouvernaient. J'ai été témoin de cela, et les chefs n'avaient le commandement qu'à cause de l'excellence de ce même don qui était en eux. Je crois qu'il y avait bien
près de la moitié de leurs soldats qui étaient inspirés."Les uns avaient le don de la prière et de l'exhortation, d'autres semblaient prédire particulièrement la destinée de l'Eglise
et de ses ennemis. Quelques-uns avaient de fréquents avertissements particuliers touchant leur propre conduite, et sur ce qui concernait la guerre; D'autres encore avaient été rendus participants
de plusieurs de ces grâces et même de toutes ensemble.
"J'ai remarqué chez eux tous un grand zèle pour la gloire de Dieu et une parfaite résignation à sa volonté, soit dans la vie soit dans la mort. Tout leur exercice ou tout leur plaisir, dans
le Désert, consistait en prières et en chant de psaumes."
A vrai dire, c'était là, dans sa plénitude, le baptême du Saint-Esprit et de feu promis dans l'Ecriture, et dont
notre génération a tant besoin!-Comment l'exemple de ces saints ne force-il-pas à la décision le plus réticent d'entre nous? Si le baptême du Saint-Esprit a provoqué chez nos camisards tant de ferveur,
accompagnée de manifestations si extraordinaires qui étonnaient ceux qui les
combattaient, comment pouvons-nous refuser plus longtemps la promesse d'une bénédiction aussi remarquable, qui nous est faite dans l'Ecriture? (Actes ch.1 et 2).
Cévenols! le Dieu de nos pères
N'est-il pas notre Dieu toujours?
Servons-le dans les jours prospères,
Comme ils firent au mauvais jours;
Et, vaillants comme ils surent l'être,
Nourris comme eux du pain des forts,
Donnons notre vie à ce Maître,
Pour lequel nos aïeux sont morts!
Esprit qui les fit vivre,
Anime leurs enfants,
Pour qu'ils sachent les suivre!
(Extrait de la" Cévenole ").
Nous pourrions mettre à la place de "Cévenols" : "Eglise de Dieu", le Dieu de tes pères n'est-il pas
"ton" Dieu toujours?.....
Entière Consécration
"Tous les historiens sont d'accord, a dit S. Delattre, pour reconnaître que les prophètes étaient des hommes sanctifiés. Ils ont montré une fidélité si inébranlable à l'Evangile, une foi si patiente au sein des pires
persécutions qu'ils nous inspirent un saint respect. Et il y a des expériences spirituelles que nous ferions, si nous avions la foi qui transporte les montagnes."
Jean Cabanel, D'Anduze, a vécu parmi les inspirés; et lui aussi est affirmatif:
"Je puis assurer avec certitude, comme une
chose qui m'est particulièrement connue, que les personnes qui avaient reçu les grâces, quittaient incontinent* toute sorte de libertinage et de vanité. Quelques-uns qui avaient été
débauchés devinrent sages et pieux; et tous ceux qui les fréquentaient devenaient aussi plus honnêtes et menaient une vie exemplaire."
MLLe Sybille De Brozet, du
Vigan, est aussi formelle à ce sujet:" Melles de Vallemont et
de Bagard, mes amies qui étaient des filles assez du monde, changèrent entièrement leur manière de vivre aussitôt qu'elles eurent reçu des inspirations. Elles évitèrent leurs
compagnie ordinaire , ne portèrent que des habits extrêmement modestes, et leur exercice continuel était la prière, la lecture des livres de piété et la fréquentation des personnes qui leur
ressemblaient."
Conversion de Jean Cavalier, de Sauve (Janvier 1707)
"J'étais un garçon de quinze ans, que la dévotion n'occupait pas beaucoup; mais je consentis volontiers à la proposition qu'on me fit, quand je pensai que je verrai peut-être là
quelques-uns de ces inspirés dont on disait des choses si étranges. Je ne fus pas aussitôt entré dans la grange où tout ce monde était, que j'aperçus un petit garçon qui disait entre autres
choses qu'il y avait des personnes dans la compagnie qui n'y étaient venues que par curiosité, et avec un esprit moqueur; et que si ces personnes-là ne se repentaient pas, Dieu
permettrait qu'elles soient reconnues et rendues honteuses. Il ajouta quelques choses de même nature; et fit si bien mon portrait, que quand il aurait pénétré dans mon coeur, il
n'aurait pas mieux représenté les dispositions où j'étais: ce qui me frappa terriblement..... Mais ce fut bien pis lorsque comme toute ma pensée et tout mon désir ne tendaient qu'à sortir de
là, je vis un autre fort jeune garçon, directement sur mon passage, et qui dit à haute voix qu'il y avait une personne mal intentionnée qui voulait sortir, et qu'il fallait mettre des
gens vers la porte, pour l'en empêcher, de peur qu'il n'allât découvrir l'assemblée. Alors, il arriva une chose particulière que je suis obligé de dire ici. Le second prophète continuait à
parler, et dit tout à coup en changeant de ton, qu'il y avait plusieurs fidèles qui erraient, près de là, dans les champs ou les bois, cherchant l'assemblée; et que pour les faire venir, il
fallait que quelques-uns sortissent, et entonnassent un psaume.Une troupe sortit et se mit à chanter.
Nous verrons, disais-je, s'il sait effectivement deviner, ou si ce qu'il a dit de moi n'était que par hasard. Comme je m'entretenais ainsi tout seul, voilà les gens
qui rentrent avec un assez bon nombre de ceux que le chant des psaumes avait attirés. Cela me toucha beaucoup, et me fit faire en moins d'un quart d'heure, plus de réflexions qu'un garçon de mon
âge n'en a fait, pour l'ordinaire dans toute sa vie!"
"Mais voilà qu'un troisième garçon se leva, plein de l'Esprit. Il parla deux grandes heures avec une facilité merveilleuse, et il dit des choses si pathétiques et et si excellente , que
tout le monde fondait en larmes, et moi avec les autres . Personne ne dormait, j'en suis sûr; les paroles que ce petit serviteur de Dieu prononçait n'étaient pas endormantes: on n'en
perdait pas une, car elles étaient toutes du sujet, et toutes proportionnées à la capacité du bon et simple peuple qui les écoutait
quoiqu'elles fussent toutes sublimes et divines. Les deux heures passèrent comme deux moments. Et qui est l'enfant qui pourrait dire des choses semblables? Tout le monde assurait que
ce petit garçon ne savait pas lire. Mais quand il aurait su lire, en vérité, il n'était point capable par lui-même, de composer un pareil discours , ni de le réciter, ni même d'avoir la
hardiesse de parler en public, et en français.**
"Dès après que la prédication fut finie, je sentis comme un coup de marteau qui frappa fortement ma poitrine: et il me
sembla que ce coup excita un feu, qui se saisit de moi, et
qui coula par toutes mes veines. J'étais alors tout occupé du sentiment que j'eus de mes péchés. Les fautes de libertinages auxquelles j'étais le plus sujet, me parurent des crimes
énormes, et me mirent dans cet état que je ne saurais décrire. On fut bientôt convaincu
dans la famille, par l'état plus extraordinaire que jamais, où on me vit alors, et même par le prodige d'un jeûne de trois jours, après lequel je n'eus ni faim, ni soif, qu'il fallait que des
choses semblables vinssent de la souveraine Puissance. Et comme les paroles que je prononçais étaient toutes bonnes et saintes, on n'avait n'avait garde de s'imaginer qu'elles pussent
venir d'une source impure."
Salutaires inspirations
Il est fréquemment arrivé que Dieu s'est servi de prophètes pour révéler
à des frères et à des soeurs les dangers qu'ils couraient. Le pieux Abraham Mazel cite le cas suivant:
"Un certain homme, dit-il, qui avait été autrefois de ceux qu'on appelait ancien, dans
quelqu'une de nos église, fut suborné *** pour trahir le frère Salomon Couderc, et le faire tomber dans une embuscade avec la troupe qu'il commandait. Cet
ancien, donc, s'enrôla parmi nous avec Salomon, faisant valoir le talent qu'il avait de chanter les psaumes. Salomon le prit en amitié et les choses s'acheminaient bien pour le traître,parce que
la troupe s'approchait insensiblement d'Alais, par l'adresse de ses persuasions.
Dans ces entrefaites, comme j'étais à 5 ou 6 lieux **** de là, je fus averti par inspiration que le frère Salomon était obsédé par un flatteur qui lui tendait des pièges; et l'Esprit m'ordonna de
partir incessamment pour aller moi-même en donner avis au dit Salomon. Je partis sur le champ, et dès que je fus arrivé, l'Esprit me saisissant de nouveau en présence du traître, me fit
déclarer le complot qu'il avait fait avec le Gouverneur d'Alais. Ce malheureux, confus et tremblant, confessa la vérité de tout ce qui m'avait été
révélé."
Nous rappellerons, pour terminer, le témoignage d'Elie Marion, l'un des chefs, sur l'utilité
des Inspirations:
"Nos inspirations nous ont fait délivrer plusieurs prisonniers de nos frères, reconnaître et convaincre des traîtres, éviter des embûches, découvrir
des complots.....
"Elles ont banni la tristesse de nos coeurs au milieu des plus grands périls, aussi bien que dans les déserts et les trous des rochers, quand le froid et la faim nous pressaient ou nous
menaçaient."Nos plus pesantes croix ne nous étaient que des fardeaux légers, à cause de cette intime communication que Dieu nous permettait d'avoir avec lui, laquelle nous soulageait, nous
consolait et était notre sûreté et notre bonheur."
En conclusion (écrit C. Glardon)," nous devons réaliser que les prophètes des cévennes crient à la Chrétienté que le Seigneur est le même, hier, aujourd'hui et éternellement et qu'il répand de son Esprit
sur toute chair.
Les prophètes des Cévennes sont nés dans le souffle de retour à la Parole de Dieu qu'inaugure la réformation-Ce souffle qui a amené
l'Eglise à redécouvrir progressivement certaines vérités perdues ou négligées de la Bible:
Justification par la foi, baptême du Saint-Esprit, dons spirituels.
Loué soit Dieu pour les prophètes cévenols et pour tous les témoins fidèles qui nous
ont transmis Sa Lumière!"
* "A l'instant".
** Le français, en Cévennes, et dans l'ensemble des terres d'oc, était une langue étrangère parlée par une minorité aristocratique et bourgeoise. Mais la Bible étant traduite
en français -et non en occitan- les religionnaires étaient les seuls Languedociens du peuple à posséder des éléments parfois assez complets de langue française. ***"Soudoyé".
****Approximativement, 24kms.