
Les Assemblées du désert
Pour célébrer leur culte interdit, les huguenots des Cévennes, traqués de toutes parts, se réunirent dans les grottes, les
anciennes carrières, les forêts ou les lieux escarpés des montagnes, ce qu'ils appelaient le " Désert". Ils s'y rendaient par tous les temps, quel que soit leur âge, et parcouraient à
pied parfois jusqu'à 15 kms de sentiers difficiles.Les moindres assemblées étaient de 4 ou 500, et il y en eut quelques-unes de 3 ou 4000 personnes. Elles duraient souvent 3 ou 4 heures et tout
s'y passait dans une profonde ferveur, malgré le soleil torride ou la pluie battante, et surtout la menace terrible des dragons qui les surprenaient bien souvent. Elles étaient des "
fontaines sacrées" où ils puisaient joie et consolation de leurs épreuves.
Des milliers de Prophètes
Dans tout le pays, Dieu suscita une infinité de prophètes et de " petits prophètes "
qui étaient de jeunes enfants, voire des enfants à la mamelle, à qui Dieu faisait dire des choses admirables. Ces pâtres, ces paysans, ces cardeurs de laine sans instruction
et qui ne parlaient habituellement que le patois, se mettaient tout à coup à prêcher en bon français et exhortaient à la repentance et à la sainteté, avec l'éloquence que leur donnait
le Saint-Esprit. Ils recevaient de fréquentes visions, parlaient dans l'extase des langues étrangères et en
donnaient la signification, et manifestaient enfin des dons de révélation surprenant par lesquels ils dévoilaient les pensées secrètes des coeurs....
Réfléchissez un instant, mes
frères, que ce sont des protestants, comme nous qui , par
milliers autrefois, ont parlé en langues, prophétisé, reçu des visions.... parce que Dieu
leur avait accordé le baptême du Saint-Esprit!....
Ce réveil a sauvé le
protestantisme d'alors. Et c'est un Réveil semblable,
et non d'autres moyens, qui sauvera encore nos églises.
De nos jours, on a assez discuté, raisonné, ergoté sur le baptême du
Saint-Esprit, et cette expérience a été laissée de côté. Dieu, maintenant, nous appelle à ouvrir nos coeurs pour nous donner encore, si nous le voulons, des temps de rafraîchissement
spirituel.
Récit D'Isabeau Charras de Saint-Agrève
Enfants- prophètes :
Le nommé Jean Héraut, de notre voisinage, et quatre ou cinq de ses enfants avec lui,
avaient des inspirations. Les deux plus jeunes étaient âgés l'un de sept ans, et l'autre de cinq et demi quand ils reçurent le don: je les ai vus
bien des fois dans leurs extases.
Assemblée surprise par les*dragons :
Un autre de nos voisins, nommé Marliaut, avait aussi deux fils et trois filles dans le même état. L'aînée était mariée: elle alla dans une assemblée , en compagnie de ses frères et
soeurs, et ayant avec elle son petit garçon âgé de sept ans. Elle y fut massacrée avec son enfant, un de ses frères et une de ses soeurs. Celui de ses frères qui ne fut pas pas tué fut
blessé, mais il en guérit. Et la plus jeune des soeurs fut laissée pour morte sous les corps massacrés, sans avoir été blessée.
L'autre soeur fut rapportée, étant encore vivante, chez son père; mais elle mourut de ses blessures quelques jours après. Je n'étais pas dans l'assemblée, mais j'ai vu le triste spectacle de ces
morts et de ces blessés.
Avertis par l'Esprit :
Ce qu'il y a de plus notable, c'est que tous ces martyrs avaient été avertis par l'Esprit de ce qui devait leur arriver. Ils l'avaient dit à leur père,
en prenant congé de lui, et en lui demandant sa bénédiction, le soir même qu'ils sortirent de la maison, pour se trouver dans l'assemblée qui devait se faire la nuit suivante. Quand le père vit
tous ces lamentables objets, il ne succomba point à la douleur, mais au contraire, il dit seulement avec une pieuse résignation : " Le
Seigneur l'a donné, le Seigneur l'a ôté. Que le Nom du Seigneur soit béni".-C'est du frère, du gendre, des deux enfants blessés, et de toute la famille que j'ai appris
que tout cela avait été prédit.
Jeune fille inspirée :
Lucrèce Claire, fille d'une extraordinaire douceur et piété, et ma très particulière amie
reçut le don d'exhortation, à l'âge de seize ou dix-sept ans. Elle faisait des discours
admirables dans les Assemblées. Après avoir longtemps travaillé à l'oeuvre du Seigneur, elle reçut l'ordre par une inspiration, de se retirer à Genève. Dieu l'y conduisit en sûreté, au milieu des
divers dangers qui l'environnaient: et elle y mourut trois ans après au grand regret de ceux qui la connaissaient. Mais elle eut une fin si belle et si heureuse que ceux qui la pleuraient ne
pouvaient s'empêcher de témoigner en même temps de la joie qu'ils avaient à cause du bonheur de cette fille élue....
Isabeau Charras rapporte aussi ce fait, qui souligne la consécration de la jeune Lucrèce
Claire, à qui Dieu parla un jour en ces termes: " Ma volonté est que tu sois neuf jours
consécutifs sans donner aucune nourriture à ton corps et tu ne parleras point si je n'ouvre ta bouche". Je sais certainement qu'elle ne but ni ne mangea pendant les neuf fois 24 heures du
jeûne qui lui fut ordonné, car je ne la quittai pendant ce temps, ni le jour ni la nuit.
Témoignage de Jacques Mazel, de St-Jean-Du-Gard
Le péché de se coucher sans prier :
Je sortis de France vers la fin de Décembre 1701. M'étant rencontré, trois mois avant mon départ , chez la veuve Cabrit, à Arbouffe, un jeune homme de la paroisse de Générargues, nommé Alexis,
entra avec le nommé Revaulte chez la veuve Cabrit, comme j'y étais. Ces deux jeunes gens avaient reçu les grâces quelque temps auparavant. Alexis ne se fut pas plus tôt assis, qu'il tomba en
extase. Je me souviens qu'il reprocha à quatre femmes de la maison qu'elles étaient allées se coucher sans prier Dieu, et qu'il insista en disant fortement: Confessez, confessez malheureuses! Et
elles avuèrent que cela était vrai. Sur quoi, il exhorta beaucoup à prier sans cesse.
Péchés dévoilés :
Le même soir, Alexis, Revaulte et moi, allâmes coucher chez un honnête homme de
notre connaissance, nommé Gabrit, à une petite demi lieue de là. Une heure après que nous fûmes arrivés, Alexis reçut l'inspiration. Il dit entre autres choses que bien que l'ennemi fût proche de
là, il n'yavait point de danger pour nous." Je t'assure, mon enfant, lui dit l'Esprit, vous n'avez rien à craindre. Je ne permettrai pas qu'aucun
détachement passe ici".
Ensuite, il reprocha fortement aux personnes de la maison les défauts qui leur étaient le plus familiers, et il leur fit de si fortes exhortations à quitter leurs
péchés que tous fondirent en larmes. Il déclara qu'avant trois semaines quantité de fidèles seraient faits prisonniers dans le voisinage, et je fus témoins que la chose
arriva....
Réconciliation :
Les plus jeunes personnes que j'aie vues dans l'extase étaient les deux plus petits enfants de Jean Croffe, dont
l'un avait autour de sept ans, et l'autre environ neuf. Pierre Mazel, fils de mon frère, âgé de neuf ans, étant dans l'extase et
parlant avec autorité, ordonna que Jean Mazel son père se réconciliât avec Jean Croffe dont je viens de parler, voulant que l'on fit venir le dit Croffe sur-le-champ, ce qui fut exécuté. Ils
obéirent et s'embrassèrent, avec des promesses réciproques de vivre désormais en charité chrétienne.
Ces enfants et les autres inspirés que j'ai connus
parlaient toujours en français dans
l'inspiration. Il est très notable que partout où cet Esprit de Dieu était répandu, les personnes qui le
recevaient et ceux qui fréquentaient ces personnes-là, devenaient comme soudainement gens de bien- Ceux mêmes dont la vie avait été, auparavant, déréglée.
Recueillons
encore le témoignage de Mathieu Boissier de
Loriol,
en Dauphiné
"J'ai vu plusieurs fois, à Genève, une fille du Languedoc qui avait des inspirations.
Elle dit dans ses extases diverses choses qui me concernaient, et dont il était absolument impossible qu'elle pût être informée naturellement. Elle avait une communication admirable avec
l'Esprit divin. J'ai été témoin en diverses occasions que quand elle demandait à Dieu, par une ardente prière, qu'il lui plût de lui manifester sa volonté ( si toutefois il le jugeait à propos
pour sa gloire), presque aussitôt l'Ange céleste l'agitait et lui faisait prononcer ce qui était ordonné par l'Esprit . Les voyants étaient ainsi consultés; et eux ils consultaient ainsi
Dieu. Un jour, cette jeune fille dit beaucoup de choses terribles contre ces moqueurs, réellement insensés, qui se rient des secrètes merveilles de l'incompréhensible, seulement parce
qu'ils ne sauraient les comprendre."
Voici, enfin, ce qu'a vu Durand Fage d'Aubays
Une lumière venant du ciel :
Une fille de Galargues, nommée Marguerite Bolle, ma parente, en la compagnie de qui j'allais à une assemblée avec 12 ou 15 autres personnes, tomba en extase, dans le grand chemin, pendant la
nuit, comme nous étions fort en peine pour trouver le lieu de l'assemblée.
L'Esprit lui dit: "Je te dis, mon enfant, que je ferai tomber une lumière qui vous indiquera le lieu que vous cherchez." Elle ajouta que nous pouvions marcher sans crainte. Alors
nous vîmes une lumière tombant du ciel, comme une fusée, et comme nous connaissions la carte du pays, nous jugeâmes avec certitude du lieu de l'Assemblée, qui était à un bon quart
de lieue de là. Quelques minutes après, nous entendîmes la voix agréable d'une sentinelle de nos gens, qui se fit connaître par son langage. ( Je dirai , si l'on veut en passant, que
nous demandions:" Qui vive, de la part de Dieu?" et on répondait:" Enfants de Dieu"). A cinq cents pas plus loin, la mélodie des psaumes nous attira. Nous volions, quand nous entendions le
chant de ces divins cantiques. Nous sentions au dedans de nous une ardeur qui nous animait, un désir qui nous transportait : cela ne peut s'expliquer. Quelque grande que fût quelquefois
notre lassitude, nous n'y pensions plus dès le moment que le chant des psaumes frappait nos oreilles. Nous devenions légers, c'est une de ces choses merveilleuses qu'il faut avoir éprouvées
pour les connaître.
* Le terme dragon désigne des militaires se déplaçant à cheval mais combattant à
pied. Les premiers exemples de telles unités remontent à l'Antiquité avec les dimaques d'Alexandre le
Grand ou les Alamans.
La France crée de nombreux régiments de dragons. Les
dragons étaient à la fois un corps d'infanterie et de cavalerie. En 1678, Michel Le Tellier, marquis de Louvois, ministre de la Guerre, porte à quatorze le nombre des régiments de dragons avec un effectif de plus de dix mille
hommes. Ces derniers, sous Louis XIV,
sont envoyés dans les Cévennes et en Normandie afin de contraindre les protestants à se convertir « pacifiquement » (les dragons étaient logés chez l'habitant), d'où le nom de
dragonnades.