Que les citoyens ne se laissent pas abuser par la pub émotionnelle…
Dans cette affaire de « mariage pour tous », la France est coupée en deux. Une majorité réagit comme le pouvoir le veut : les gens ne cherchent pas plus loin que « l’égalité », le « droit supplémentaire n’enlevant rien à personne ». L’idée d’égalité est efficace. Rien ne lui résiste. Elle paraît évidente, rassurante, gentille et indiscutable (sauf par de méchants nostalgiques de… l’inégalité). Il faut se prendre la tête et réfléchir, activité minoritaire, pour s’apercevoir : a) que cette évidence est fausse ; b) que cette fausse conception de l’égalité fait violence à la justice.
a) C’est une fausse évidence. Etendre le mariage du code civil aux duos unisexe (stériles par définition) revient à oublier à quoi servait le mariage [1]… Avec cette conception factice de l’égalité, on finit par tout confondre dans tous les domaines, et rendre la société absurde.
b) Cette fausse évidence va contre la justice. D’une part, elle détourne au profit d’un très petit lobby les énergies politiques et le contenu des lois (qui devraient aller au bien commun), et l’on déconstruit la filiation sans se soucier des effets de cette déconstruction sur la vie future des citoyens. D’autre part, le tapage autour de cette « avancée de l’égalité » détourne l’attention des abandons, concessions et démissions commis par le pouvoir dans le domaine économique et social ; domaine où de graves injustices sont commises tous les jours, et où la vigilance des citoyens s’imposerait.
Il y a une troisième forme d’injustice, subtile mais grave. C’est l’injustice envers la demande de sens, demande inconsciente mais profonde parmi les gens d’aujourd’hui. Notre époque ment quand elle proclame le « droit au mariage ». Le mariage est une forme (légale, civile, sociétale), alors que notre époque rejette toutes les formes : à l’ère du « restez vous-même, faites ce que vous voulez, venez comme vous êtes », l’homme de la postdémocratie (en fait : le consommateur) est poussé à rejeter toutes les formes, surtout quand elles ont l’air durables. Donc l’époque ne PEUT PAS vouloir cette forme qu’est le mariage… Ce que l’époque exige est seulement le « droit », voire le « droit au droit » ; dans la psychologie consumériste, refuser cette exigence est impensable [2]. Cette polarisation sur le « droit au droit » » est vide, absurde, elle mène au nihilisme moral et mental. Et aucune société ne peut vivre dans l’absurde. Voilà l’injustice grave et subtile faite à la demande de sens.
Face à la fausse égalité, défendons la justice !
Patrice De Plunkett
Source : Blog de Patrice De Plunkett
Notes
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[1] En 2013, un nombre croissant de foyers familiaux (avec enfants) existent sans mariage civil. Mais l’absence de contrat de mariage prive le conjoint et l’enfant d’une garantie juridique, donc matérielle : avocats et juges ne le savent que trop… Etonnons-nous de l’indifférence des commentateurs envers cet aspect des choses. (Ou ne nous en étonnons-pas : c’est la froideur ambiante, sous la fausse chaleur de l’émotionnel).
[2] Condensé de cette idéologie commerciale, l’édito du magazine Elle cette semaine : « C’est le sens logique de l’histoire de notre société, dont les fondements actuels reposent sur la liberté individuelle et l’égalité de tous face à la loi. [...] Aujourd’hui, on ne voit pas pourquoi, et au nom de quelles valeurs, l’Etat refuserait à deux personnes de même sexe une union civile… » Ce texte d’hypermarché est intitulé : »Elle s’engage ». Le conformisme paré des plumes de l’engagement.