Chut ! On frappe ! Mais en silence SVP ! Le sujet est tabou, totalement ! L’aborder c’est déjà prendre le risque de briser une forme d’omerta évangélique.
Parce que lorsque je parle de l’Église, je ne parle pas des catholiques ou des protestants traditionnels, mais de nous, la grande famille évangélico-pentecôtiste !
On sait déjà le mal que les femmes ont à évoquer le sujet dans la société sans Dieu, tant les pressions sont multiples, alors l’évoquer en ce qui concerne les Églises, là, cela relève de la folie pure.
Pourtant quelques événements plus ou moins récents montrent que le drame vécu par certaines femmes – malheureusement plus nombreuses qu’on ne le croit – n’est pas du domaine de «l’accessoire».
Je pense à Marie-Laure qui nous a interpellés à ce propos : battue pendant des années, par un mari qu’elle aimait, le père de ses deux enfants, ancien dans son église locale et dont il était impossible de se douter de son attitude à la maison. Des années après l’avoir quitté, elle souffre encore, elle pleure encore, elle doute encore ! Parce qu’en plus des coups, ces «hommes» là s’arrangent pour manipuler leur petit monde et expliquer à qui veut l’entendre que c’est leur femme qui a un problème.
Un pasteur dira à cette dame : «Taisez-vous, ne dites rien, acceptez d’offrir votre corps en sacrifice. Pensez à vos enfants, souffrez en silence pour eux. Le témoignage de l’évangile passe avant tout le reste» ! Authentique ! Ce monsieur avait oublié sans doute que les cris de Marie-Laure, lorsqu’elle se faisait battre, étaient largement entendus du voisinage. Le témoignage de l’évangile, laissez-moi rire en l’occurrence.
Que dire de Rose, battue, violée, par un mari juste violent pour le plaisir. Il dépensait tout l’argent de la maison au casino et quand il avait fini de frapper sa femme, il s’occupait de battre et parfois de violer ses enfants. Et pourtant ce brave homme, affable, avait collé à l’arrière de son véhicule un bel autocollant : «Jésus t’aime» ! Il y a eu quelques bonnes âmes pour lui interdire le divorce, sous prétexte qu’il fallait qu’elle supporte. Elle n’a pas écouté et elle a bien fait !
Un pasteur que je connais bien a croisé dans le hall de l’église, une jeune femme ayant l’habitude de venir prier dans ce lieu. Elle avait l’œil au beurre noir. Le pasteur lui demanda ce qui lui était arrivé : «C’est mon mari qui m’a fait ça ! Et il m’a dit qu’il viendrait ici, pour te chercher querelle et te frapper aussi !». La réponse du pasteur fut simple et claire : «Dis à ton mari que les mecs qui frappent les femmes sont des lâches et qu’il ne m’impressionne pas du tout. Dis-lui aussi que s’il vient avec ce genre d’intention, il n’aura pas le temps de me frapper !». Vous penserez ce que vous voulez, mais moi j’aime cet Evangile- là !
Je pense à N. qui vivait avec un mari violent, responsable de la jeunesse dans son église locale, située dans une grande ville de France. Pendant des années, elle a subi, supporté sans rien dire. À la fin, elle ne cherchait plus à dissimuler ses bleus aux bras, au visage, aux jambes. Mais croyez-vous qu’on l’a entendue ? Sûrement pas ! Quand après avoir tout fait pour sauver son couple, elle a fini par partir, dans une belle unanimité, tout ce petit monde évangélique lui a donné tort de prendre l’initiative du divorce. Il ne fait pas bon d’être une femme dans certains milieux, mais encore moins une femme battue.
Un pasteur Togolais passait il y a peu en France. D’obédience Protestante, il s’adressait aux Pentecôtistes avec une forme d’humour bien à lui. Voilà ce qu’il leur disait : «Vous les pentecôtistes, on vous aime. Vous parlez en langues, mais vous frappez vos femmes !». C’est sans doute très réducteur, tous les gens adeptes du pentecôtisme ne sont pas ainsi et heureusement, mais faut-il continuer à nier l’évidence ? À faire comme si cela n’existait pas ?
Une simple gifle donnée par un mari à sa femme est inadmissible, intolérable ! C’est vrai partout, tout le temps, à toutes les échelles et à tous les niveaux, mais cela devrait être encore plus vrai dans l’Église !
Alors on en parle… ou on continue l’omerta ?
Andréa De Filippi
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